Yves a des terres familiales sur le marais. Il est venu à l'atelier d'écriture sur l'espace naturel sensible des Sagnes au Sappey-en-Chartreuse pour partager une histoire que lui avait raconté sa grand-mère. Tous les enfants du village la connaissaient :
Avant nous étions tous agriculteurs. Pour faire la litière des bêtes, on coupait la bauche, c'est-à-dire les roseaux du marais. Chacun avait sa parcelle. On fauchait sur place et on ramenait la bauche en la trainant sur des branchages. Tout le monde savait qu'il ne fallait pas venir au marais avec un char à bœufs. Un jour, un inconscient s'y aventura et son attelage disparu dans un trou d'eau, bête, homme et char engloutis. On ne les revit jamais. Au bord du marais, le long de la route, il y a un trou d'eau très profond visible encore aujourd'hui, c'est ici même que le char a disparu. Les adultes ne manquaient pas une occasion de nous en éloigner.
Autre riveraine du marais Marie-Christine, une voisine d'Yves, évoque l'histoire de Jeanne qui tournait sept fois autour du marais.
On ne regardait pas la télévision, à cette époque. A 7h du soir, après la traite des vaches, tout le monde se mettait discrètement à la fenêtre pour voir passer Jeanne. Immanquablement. Et tout le monde se demandait : pourquoi sept fois ? Les mauvaises langues allaient bon train. Jeanne était une originale. Une originale devait certainement fauter au marais. Chacun y allait de sa petite histoire. Longtemps cette intrigue alimenta les légendes. Et aujourd'hui encore on se demande... Et le mystère demeure.
